lundi 27 juin 2016

AU LENDEMAIN DU BREXIT. 1ERE PARTIE : LES CAUSES

Le jeudi 23 juin 2016 restera un jour historique dans l'histoire de la construction européenne. Ce jour-là, par référendum, une majorité de Britanniques (51,8% contre 48,2%) a décidé qu'il était opportun que leur pays quitte l'Union européenne.  

1. Un échec pour David Cameron, Premier Ministre Britannique.

David Cameron jouait la survie de son cabinet sur ce référendum qu'il avait provoqué. Il s'agissait de couper l'herbe sous les pieds de l'UKIP, le parti indépendantiste britannique, rejoint pas les électeurs conservateurs. Pour cela, le Premier Ministre britannique avait fait un pari. Obtenir un compromis politique des 27 sur une série de  questions afin d'accentuer le particularisme britannique déjà très développé depuis son adhésion et ainsi affirmer qu'il n'était pas nécessaire de jeter le bébé avec l'eau du bain en quittant l'Union européenne. 

1.1. L'accord du 20 février 2016 .



Il porte sur 4 les points suivants :


● Modification des traités européens

Deux éléments de l'accord doivent être inscrits dans des modifications à venir des traités européens:
- Le Royaume-Uni sera exempté de l'objectif d'une poursuite de l'intégration politique dans le cadre de l'engagement des traités européens envers une «union sans cesse plus étroite» des peuples d'Europe.
- Les éléments d'un accord pour assurer un traitement équitable des accords économiques et financiers entre les États de la zone euro et ceux qui n'en font pas partie.

● Avantages sociaux pour les salariés

Le Royaume-Uni aura le droit de ne pas accorder les avantages liés au statut de salarié aux nouveaux arrivants sur son sol d'autres États de l'UE pour leurs quatre premières années dans le pays. Le Royaume-Uni pourra mettre en œuvre un mécanisme de «frein d'urgence» pour les nouveaux arrivés durant une période de sept ans à partir du moment où la mesure aura été utilisée une première fois.

● Avantages liés aux enfants

Un système d'indexation concernant toute l'UE en matière de versement des allocations familiales aux salariés dont les enfants vivent dans un autre État membre entre en vigueur immédiatement pour les nouveaux demandeurs et le 1er janvier 2020 pour tous les allocataires.

● Finances

Le projet met l'accent sur la nécessité de faire «jeu égal» en matière de régulation financière et bancaire. Il donne le droit à la Grande-Bretagne de superviser les établissements financiers et les marchés pour préserver la stabilité financière. Ceci «sans préjudice» au droit de l'Union européenne d'agir pour protéger la stabilité financière.
1.2. Jugé insuffisant par les Opposants
Ainsi, l'accord obtenu le 20 février 2016 lui a permis d'obtenir, notamment, des restrictions sur l'accès au système d'aides sociales par les migrants intra-européens. L'Europe à la carte tenant compte des spécificités britanniques devait tenir de viatique. 

C'est que le thème dont se sont emparés les partisans du Brexit aura été l'immigration européenne. Il est loin le temps ou en 2004, au lendemain de l'adhésion des 10 Nouveaux Etats membres, la Grande-Bretagne était un des rares pays parmi les 15 à ouvrir son marché du travail ne craignant pas la venue du "plombier polonais". Une décennie plus tard, la G.B veut contrôler ses frontières alors que les travailleurs polonais ont contribué à la richesse de l'économie anglaise, en cotisant, en consommant, en investissant.  

Les chiffres sont éclairants. Selon CNN, 50,5% des migrants arrivant en Grande-Bretagne sont extérieurs à l’UE et sont originaires des Etats-Unis, du Canada, d’Inde, du Pakistan, d’Australie... Le reste, 49,5% viennent effectivement de pays membres de l’Union européenne. En 2015, selon l’Office for National Statistics (ONS), l’Insee de sa Majesté, 333.000 travailleurs étrangers sont arrivés en Grande-Bretagne. Au demeurant, «Sur les 63 millions d'habitants du pays, on compte cinq millions d’étrangers venus du monde entier et trois millions venus de l'Union européenne. Parmi eux, beaucoup de Polonais», observe le correspondant de France 2 à Londres, Loïc de la Mornais. On parle ainsi de 600.000 Polonais ayant franchi la Manche. D’une manière générale, «la grande majorité» des citoyens de l’UE en Grande-Bretagne vient des pays de l’ancien bloc communiste : Pologne, mais aussi Etats baltes, Slovaquie, Roumanie, Bulgarie... On trouve aussi beaucoup de Français : le chiffre de 300.000 de nos c. Elles montrent ainsi que les Européens sont ceux qui travaillent le plus : 78% d’entre eux ont un emploi, contre 74% des Britanniques. Et ils ne touchent que 2,2% des allocations chômage contre 7,7% des personnes venues du reste du monde. «Il est prouvé que l’impact économique de l’immigration venue de l’UE (comme la pression sur le marché du travail, les finances publiques ou les services publics britanniques) est relativement faible», commente l’universitaire d’Oxford Madeleine Sumption, cité par le Guardian.ompatriotes installés en Grande-Bretagne est fréquemment cité. Selon les statistiques, 




Les fantasmes l'auront emporté sur les réalités, alors même que la politique migratoire n'est pas stricto sensu une politique intégrée de l'UE, mais une politique intergouvernementale sur certains aspects.  Nigel Farage, député européen et leader du parti europhobe Ukip. aura posé une affiche désignant un flot de migrants. Avec comme slogan : «Le point de rupture : l’UE n’a pas tenu ses engagements vis-à-vis de nous. Nous devons nous libérer de l’Europe et reprendre contrôle de nos frontières». Sous-entendu vis-à-vis des hordes de migrants-envahisseurs.








 Paradoxalement, la décision d'Angela Merkek d'accueillir un million de réfugiés en Allemagne, puis de stopper cette immigration en raison des difficultés pour y organiser leur séjour, notamment, en Bavière, aura sensibilisé l'Anglais de la rue à ce que signifie être un pays d'immigration, convaincu que l'Islam n'est pas soluble dans la démocratie libérale.  


2. Bruxelles, perçu comme un pouvoir autocratique, méprisant et ignorant des attentes du peuple.

Comme à propos de ses frontières, il s'agit pour les partisans du Brexit de permettre à la Grande-Bretagne de retrouver la souveraineté. L’UE dispose de bien trop de pouvoirs. Les lois européennes priment les lois locales, tout comme la plupart des décisions de la justice européenne. Le Royaume-Uni ne peut pas signer des accords commerciaux de manière indépendante puisque ces derniers doivent intégrer l’ensemble des pays de l’UE. Sortir de l’UE lui permettrait de retrouver son autonomie et de reprendre en main sa destinée
Bruxelles impose trop de régulations et de paperasse, avec un coût pour l'économie. Selon une étude de Open Europe, le coût des 100 régulations les plus contraignantes s'élève à 33,3 milliards de livres par an à la charge de la G.B. 

 Boris Johnson a créé et gonflé des dizaines d’euro-mythes. Le bus à deux étages risque d’être interdit! Nos chocolats n’ont pas assez de cacao et vont devoir s’appeler «vegelate»! Les enfants vont être interdits de distribuer les journaux! Sans oublier qu'il a affirmé que l'UE interdisait de vendre des régimes de bananes qui dépassent 3 unités. 

Lors de son débat, face au nouveau maire de Londres, le travailliste Sidiq Khan, Boris Johnson évoquait la nécessité de reprendre le contrôle de la démocratiek fondement de la prospérité, son contradicteur lui a objecté : " Boris, tu devrais avoir, près d'un demi-million d'emplois à Londres sont directement dépendants de l'UE". 


Selon Boris Johnson, ancien maire de Londres, Conservateur, qui n'a reculé devant aucune outrance durant cette campagne nauséabonde a affirmé sans rire : "L'histoire européenne est jalonnée de tentatives de retrouver l'âge d'or de la paix et de la prospérité de l'ère romaine. Napoléon, Hitler, plusieurs personnes ont essayé de le faire, et cela s'est terminé de manière tragique. L'Union européenne est une autre tentative avec des méthodes différentes." Ce genre d'arguments diffamatoires pour l'UE est facile à réfuter. L'UE n'a jamais envisagé de conquérir par la guerre et certainement de faire de la discrimination raciale un élément fondateur de sa politique


3. La contribution britannique au budget de l'UE ou "I want my money back".


Autre argument des partisans du Brexit. Après la souveraineté des frontières et législative récupérer la souveraineté budgétaire en cessant de payer sa contribution au budget de l'UE ce d'autant que la Grande-Bretagne est contributeur net, c'est-à-dire, qu'elle paie plus qu'elle ne reçoit. 


En 2014, le Royaume-Uni versait 18 milliards d’euros au budget de l’UE ce qui représente 9,77% du budget de l'UE. Il est le 4ème contributeur au budget de l'UE en valeur absolue derrière l'Allemagne, la France et l'Italie. Cela représente selon Boris Johnson 350 millions de livres par semaine, ce qui est exact. 

La Grande-Bretagne dispose d'un reversement communautaire de l'ordre de 4 milliards d'€ payé par an, obtenu depuis 1984, lors du Sommet de Fontainebleau, par Margaret Thatcher, Premier Ministre, payé par les 27 dont la France est le premier contributeur à hauteur d'1,6 milliard d'€. 

Donc, la GB verse un solde net de l'ordre de 14 milliards d'€ par an. 

En échange, en 2014,  la Grande-Bretagne était le 7ème pays bénéficiaire de l'UE et recevait 6,570 milliards d'€. En conséquence, la GB perd environ 7 milliards d'€ par an par rapport à ce qu'elle verse. 

Cette situation s'explique par la situation spécifique de la GB qui bénéficie peu de la PAC qui a été longtemps la principale politique commune de l'UE et est surtout bénéficiaire d'aides régionales, le FEDER (Fonds Européen de Développement Régional) ayant été créé à sa demande en 1975 afin d'aider à reconvertir les régions en déclin industriel. 

D'une manière générale, il faut bien comprendre que la situation budgétaire des Etats-membres varie dans le temps. La France jusqu'en 1970 a été un pays qui bénéficiait des transferts européens (la PAC) avant de manifester sa solidarité  à l'égard des nouveaux pays qui étaient pauvres (Espagne et Portugal en 1986) et les 10 nouveaux Etats-membres le 1er mai 2004 ( en 1995 la Suéde, Finlande et Autriche présentaient un solde budgétaire net versant plus qu'ils ne recevaient). 

Le budget de l'UE n'est pas un système où l'on vient pour gagner de l'argent, mais pour développer les pays en retard de développement grâce aux transferts financiers payés par les pays les plus riches dans l'intérêt de l'UE dans son ensemble. 

 Les Européens ont accordé vendredi 7 novembre à la Grande Bretagne la possibilité de différer après les élections générales de mai 2015 le paiement d'une rallonge de 2,1 milliards d'euros au budget européen pour 2014.

Conclusion provisoire. 

En définitive, le 23 juin 2016, les Britanniques qui ont participé au référendum ont procédé à un vaste exercice de psychanalyse consistant à savoir quelles relations ils entretiennent avec le monde, l'UE, et le sol anglais. Ce résultat est l'expression d'un peuple qui doute de lui-même se replie sur ses fondamentaux et choisi de devenu une île solitaire qui entend souverainement tisser ses nouveaux liens avec l'Union européenne. 

2ème partie. LES CONSEQUENCES DU BREXIT : ILLUSIONS ET REALITES. 

dimanche 5 juin 2016

VERS L'INTERDICTION DU PORT DU FOULARD ISLAMIQUE DANS LES 28 PAYS DE L'UNION EUROPEENNE

Dans l'affaire C-157-15, l'avocat général Mme Kokott conclut que l'interdiction de porter un foulard islamique en entreprise peut être licite (1).

La Cour de Justice de l'Union européenne aura prochainement à se prononcer sur le recours en interprétation (question préjudicielle) adressé par l'avocat de Mme Samira Achbita, licenciée par son entreprise belge pour avoir revendiqué le droit de porter le foulard islamique(2). Il  est demandé à la Cour de répondre à la question suivante : " L'article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2078/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail doit-il être interprété en ce sens que l'interdiction de porter un foulard en tant que musulmane sur le lieu de travail ne constitue pas une discrimination directe lorsque la règle en vigueur chez l'employeur interdit à tous les travailleurs de porter sur le lieu de travail des signes extérieurs de convictions politiques, philosophiques ou religieuses ? "

Le 31 mai 2016, l'avocat général précité a répondu affirmativement à la question posée. 

Quels sont ses arguments ?

2 conditions

1 Un règlement intérieur dans l'entreprise  

Mme Kokott considère que l'on n'est pas en présence d'une discrimination de la salariée dès lors que cette interdiction de porter le foulard islamique, en l'occurrence, s'appuie sur un règlement général de l'entreprise prohibant les signes politiques, philosophiques ou religieux visibles sur les lieux du travail et ne repose pas sur des préjugés ou stéréotypes relatifs à une ou plusieurs religieux déterminées ou aux convictions en général.  

2. Une mesure de la part de l'employeur qui doit être proportionnée. 

Elle précise que cette discrimination peut être légitime dès lors que l'entreprise poursuit une politique de neutralité en son sein en matière de religions et de convictions. Mais, la décision doit répondre au principe de proportionnalité dont le contrôle est confié aux juridictions nationales. En l'espèce, il appartiendra à la Cour de Cassation belge (la plaignante a été déboutée en première instance et en appel) de trouver un juste équilibre entre les intérêts en présence. A savoir, précise t-elle : "... en particulier la taille et le caractère ostentatoire du signe religieux, la nature de l'activité de la travailleuse, et le contexte dans lequel elle doit exercée son activité"

Dans cette affaire, l'avocat général estime que le caractère proportionnel de la mesure (l'interdiction) est rempli car "La procédure devant la Cour n'a en effet pas révélé d'autres solutions qui seraient moins contraignantes mais néanmoins appropriées."

En guise de conclusion, il faut citer in extenso le dernier paragraphe de ce communiqué de presse qui explique bien le fondement de nos sociétés démocratiques. 

" Alors qu'un travailleur ne peut pas "laisser au vestiaire" son sexe, sa couleur de peau, son origine ethnique, son orientation sexuelle, son âge, ni son handicap dès qu'il pénètre dans les locaux de son employeur, on peut en revanche attendre de lui une certaine retenue pour ce qui concerne l'exercice du culte au travail, que ce soit en matière de pratiques religieuses, de comportements motivés par la religion ou, comme en l'espèce, de tenue vestimentaire. L'étendue de la retenue qui peut être attendue d'un travailleur dépend de l'examen global de tous les éléments pertinents du cas de l'espèce". 

Précisons, qu'en droit, la Cour de Justice de l'Union n'est pas tenue de suivre l'avis rendu par l'avocat général. Dans quelques mois, nous saurons quel est le droit positif européen en la matière. 

Notes 


(1) Le communiqué de presse de la CJUE : http://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2016-05/cp160054fr.pdf



(2) Le recours préjudiciel : http://publications.europa.eu/fr/publication-detail/-/publication/7cb1a301-18bd-11e5-a342-01aa75ed71a1/language-fr