dimanche 14 avril 2013

PETITS MENSONGES EUROPEENS ENTRE AMIS (POLITIQUES) : 3 EXEMPLES

L'affaire Jérôme Cahuzac a fait apparaître le mensonge d'un homme seul et perdu qui a menti à tout le monde y compris à sa banque, devenu le symbole d'un manque de contrôle sur la moralité des dirigeants politiques. Plus subtiles au travers de la langue de bois politique sont les demi-vérités ou mensonges  distillés dans les médias en matière européenne, car plus difficilement décelable par les non-initiés.

1. Les deux affirmations de Florian Philipot, Vice-Président du Front National, le 18 mars 2013, dans l'émission "Mots Croisés" sur France.

Voir cette émission intitulée : "Europe : hold-up sur les épargnants ?" http://www.france2.fr/emissions/mots-croises/les-emissions_3733

Sur France-Inter, dans la rubrique "Grand Angle", sous le titre "De quelle marge de manoeuvre dispose le gouvernement face à bruxelles ?", le vendredi à partir de  6 h 16, la journaliste, Delphine Simon, rétabit la vérité en ces termes  : http://www.franceinter.fr/emission-grand-angle-de-quelle-marge-de-manoeuvre-dispose-le-gouvernement-face-a-bruxelles


- La Commission européenne pourra demander aux Etats de dépenser moins pour la justice ou la santé. Vrai ou faux ?

C’est faux. Florian Philippot fait allusion à de nouveaux pouvoirs attribués à la Commission européenne. Elle peut désormais consulter le projet de loi de finances et vérifier que le gouvernement a tenu les promesses faites au printemps. Comme le dit Florian Philippot, la Commission peut donner son avis et réclamer des changements, avant même le vote des députés français. Ces deux règlements, en jargon européen, on parle du « Two Pack » ont été adoptés par le Parlement européen le 12 mars.

Mais en aucun cas, n’en déplaise à Florian Philippot, la Commission européenne ne peut imposer aux gouvernements de tailler dans un budget plutôt que dans un autre. La santé plutôt que la Défense par exemple.

Christophe Blot, économiste, à l’OFCE.

Interview Christophe Blot

Au final c’est donc aux députés que revient le dernier mot. On le sait, la France ne respectera pas l’objectif des 3% de déficit public cette année. Mais la Commission ne l’a pas sanctionnée par crainte de nouvelles coupes budgétaire qui plomberaient un peu plus la croissance déjà très faible. Bref face à cette discipline budgétaire européenne, il existe encore des marges de manœuvre.

 Le vice président du Front National affirme que la Commission européenne peut lancer des taxes sur les comptes et l’épargne des particuliers. Comme on la vu dernièrement à Chypre.

C’est faux, car l’exécutif européen n’a pas le pouvoir de lever des impôts ou des taxes.

Explications Christophe Blot.

Interview Christophe Blot

Alors ces deux règlements européens, ce « pack de deux » entrent en vigueur cette année. Et le gouvernement de Jean Marc Ayrault devra donc présenter son prochain projet de budget à la Commission avant le 15 octobre prochain.

Commentaire

Concernant la première affirmation de Florian Philippot, l'Union européenne n'est pas compétente en matière de santé et de justice si l'on excepte des actions de coordination comme le plan de lutte européen contre le cancer ou bien en matière de justice, Eurojust qui réunit les procureurs nationaux ou l'établissement du mandat d'arrêt européen, mais ces deux domaines relèvent de la compétence des Etats quant à l'organisation de leur système de santé ou de leur système judicaire. Ce que demande l'Union européenne aux Etats membres de la zone euro comme la France, c'est de respecter des critères macro-économiques, comme le fameux déficit budgétaire limité à 3% du PIB de l'Etat considéré, qui relève des critères de Maastricht pour devenir membre de la zone euro. Avec l'entrée en vigueur du Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance, le déficit structurel doit être ramené à moins 0,5%, ce qui signifie le déficit public hors effets du cycle économique. Il appartient à l'Etat de prendre les mesures de réduction des dépenses publiques et de hausse de la pression fiscale selon le dosage choisi par le Gouvernement pour parvenir à cet objectif. La Commission européenne se prononce sur une trajectoire budgétaire qu'elle doit juger crédible et sérieuse.

Concernant la seconde, malgré les déclarations maladroites du nouveau Président de la Banque Centrale européenne, Jeroen Dijsselbloem, qui laissait entendre que la solution chypriote constituait un modèle (à suivre ?) pour les pays de la zone Euro, la solution apportée à la crise chypriote consistant après bien des hésitations à taxer les dépôts supérieurs à 100000€ demeure un cas exceptionnel qui n'est pas appelé à se reproduire et qui s'explique par le contexte politico-financier propre à ce pays qui pèse 0,2% de la zone Euro au regard de son PIB. Laisser entendre le contraire c'est faire inutilement peur aux épargnants français.

D'une manière générale, le Front National cherche à faire de l'Union européenne un facile bouc-émissaire accusée de déposséder la France de sa souveraineté nationale au profit d'une technocratie bruxelloise apatride, hors-sol et dogmatique. La démonstration, pour ce faire, doit s'appuyer sur des faits exacts ce qui n'est pas le cas s'agissant des deux affirmations examinées.

2. Comme l'affirme José Bové, Jean-Luc Mélenchon est un parlementaire européen peu assidu.

Mardi 10 avril 2013, José Bové, Vice-Président de la Commission de l'agriculture du Parlement européen a déclaré : "C'est un coup de gueule parce que je pense qu'à un moment, quand on veut faire le chevalier blanc de la démocratie, (quand on veut) dire: il faut faire un coup de balai et, en gros: il y a les élus corrompus d'un côté et le peuple légitime de l'autre, je crois qu'il faut se rappeler à un moment que celui qui dit ça a été élu dans le Sud-Ouest député européen, et que malheureusement sa présence au parlement européen, (c'est) le moins qu'on puisse dire, est assez épisodique."

Cette déclaration n'a pas été du goût de Jean-Luc Mélenchon, qui a rétorqué que son taux de présence était de 67%, ce qui à première vue, apparaît plutôt satisfait. Voir son billet sur son blog où il affirme dans son titre que la jalousie (de José Bové ?) rend fou....
http://europe.jean-luc-melenchon.fr/

Sauf qu'au royaume des aveugles les borgnes sont rois, puisqu'avec ce pourcentage élevé, il occupe la 732ème position sur 751 députés européens. José Bové, pour sa part, avec un taux de présence de 91,50% occupe la 364ème place, comme le montre son classement établi par Votewatch Europe : http://www.votewatch.eu/en/jose-bove.html

Le taux faible de présence au Parlement européen participe de la mauvaise position de notre pays qui occupe la 20ème place sur 27 avec un taux de présence de 83,19% loin derrière l'Autriche dont le taux de participation de ses députés est supérieur à 90%.

http://www.votewatch.eu/en/member-states-attendance.html

Jean-Luc Mélenchon n'étant pas député français cherche une tribune médiatique qu'il trouve en tenant des propos contestables et outranciers qui font le buzz...Beaumarchais disait : "Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose" citation issue du Barbier de Séville (acte II, scène VIII). Jean-Luc Mélenchon a compris que pour exister médiatiquement, il fallait tenir des propos inconoclastes ou qui choquent pour qu'ils soient reprise en boucle par les médias de Gauche comme de Droite qui apprécient ce bon client qui fait monter l'audience....

Un moment d'anthologie. Le leader du Parti de Gauche explique le rôle du Groupe politique auquel il appartient au Parlement européen : la Gauche Unitaire Européenne (GUE). Le leader du Parti de Gauche dit qu'il est désarçonné par un partage des votes au Parlement européen qui ignore le bon vieux clivage Gauche/Droite.
.

Que représente la GUE/NGL au Parlment européen ? par Jean-Luc-Melenchon

3. L'Union européenne aurait adopté une réglementation interdisant aux charrettes roumaines tirées par les chevaux de circuler conduisant à envoyer ces chevaux à l'abattoir.

Dans un article sur son blog, le journaliste, Jean Quatremer, qui suit les questions européennes pour le quotidien Libération explique comment à propos de l'affaire des Lasagnes de Findus s'est propagée l'idée selon laquelle une loi roumaine ou européenne aurait interdit aux charrettes tirées par les chevaux de circuler ce qui aurait favoriser l'envoi à l'abattoir des chevaux pour en faire de la viande ....de boeuf .... 

http://bruxelles.blogs.liberation.fr/coulisses/2013/02/lasagnes-au-cheval-leurope-coupable-forc%C3%A9ment-coupable-1.html#more

Qu'en est-il ? Le blog Arrêt sur images présenté par Daniel Schneiderman évoque un article paru en 2008 qui annonce le vote d’une loi roumaine interdisant la circulation de véhicules hippomobiles sur les routes nationales, et ce, pour des raisons de sécurité routière

De fait, la loi interdisant la circulation des attelages sur les routes principales a été adoptée en 2008 sous prétexte que les attelages auraient été responsables de 10% des accidents de la route. Il y avait encore 834.000 chevaux en Roumanie en 2006, mais il n’y en avait plus que 610.000 en 2011, selon la FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). En 2013, ce chiffre serait tombé sous la barre des 500.000. Cette baisse est due en partie à la mécanisation de l'agriculture roumaine soutenue par les fonds structurels européens qui conduit à passer du cheval au tracteur qui lui peut circuler sur les routes nationales roumaines.

Mais en aucun cas, on ne voit le lien entre cette loi et le trafic à l'origine d'une tromperie sur la viande vendue au consommateur français de plats cuisinés. Un amalgame facile et qui vise une fois de plus à décridibiliser l'Union européenne alors qu'il s'agit d'une loi roumaine. Amalgamez, amalgamez, il en restera toujours quelque chose !

Par contre, les chevaux ont terriblement souffert de la crise en Espagne comme le montre ce reportage de l'AFP.


Les chevaux, victimes de la crise en Espagne par afp

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Philippe DELOIRE