samedi 21 décembre 2013

ARRET DE LA COUR DE JUSTICE DE L'UNION EUROPEENNE DU 19 DECEMBRE 2013. Le mécanisme français de compensation des surcoûts résultant de l’obligation d’achat de l’électricité produite par éoliennes relève de la notion d’intervention de l’État au moyen de ressources d’État

Dans son arrêt du 19décembre 2013, la Cour de Justice de l'Union européenne a répondu à l'association Vent de Colère Fédération nationale et  à onze autres requérants qui avaient saisi le Conseil d’État. La Haute Assemblée considérait que le mécanisme de financement de l’achat de l’électricité produite par éolienne, mis en place par la législation française modifiée, constitue une aide d’État au sens du droit de l’Union. Ils demandaient par conséquent, devant la juridiction nationale, l’annulation de la réglementation ministérielle de 2008 fixant les conditions d’achat de l’électricité éolienne. 

La Cour de Justice applique la définition de la notion d'aide d'Etat au cas de l'espèce. Le droit de l’Union, tel qu’interprété par la Cour de justice, affirme qu'on est en présence d'une  "aide d’État " si quatre conditions cumulatives sont réunies :
 1) il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État ; 
2) cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre les États membres ; 
3)  elle doit accorder un avantage à son bénéficiaire et,  
4) elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence.

La loi n° 2000-108 a été modifiée par la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 (JORF du 4 janvier 2003, p. 265) et par la loi n°2005-781 du 13 juillet 2005 (JORF du 14 juillet 2005, p. 11570. Elle prévoit désormais que  les surcoûts découlant de l’obligation d’achat font l’objet d’une compensation intégrale, financée par des contributions dues par les consommateurs finals d’électricité, installés sur le territoire national.

   Aux termes de l’article 10 de la loi n° 2000‑108 modifiée, ceux qui produisent, sur le territoire national, de l’électricité issue, notamment, d’installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent qui sont implantées dans le périmètre d’une zone de développement de l’éolien bénéficient, s’ils en font la demande et à condition de satisfaire eux‑mêmes à certaines obligations, d’une obligation d’achat de l’électricité ainsi produite.

  Les débiteurs de ladite obligation d’achat sont les distributeurs exploitant le réseau auquel est raccordée l’installation, à savoir Électricité de France (EDF) et les distributeurs non nationalisés, qui écoulent cette électricité dans leurs zones de desserte respectives. La mise en œuvre de ces dispositions se traduit par la conclusion d’un contrat d’achat qui est soumis aux conditions fixées dans la loi. Les modalités de calcul de ce tarif résultent d’une formule définie par arrêté des ministres chargés de l’économie et de l’énergie, pris en application de l’article 8 du décret n° 2001‑410, du 10 mai 2001, après avis du Conseil supérieur de l’énergie et après avis de la Commission de régulation de l’énergie (ci‑après la «CRE»). L’article 10 de la loi n° 2000‑108 modifiée prévoit par ailleurs en son cinquième alinéa une obligation de rachat par EDF du surplus d’électricité aux mêmes conditions que pour la conclusion d’un contrat d’achat obligatoire, étant précisé que ce rachat par EDF ouvre également droit à une compensation au bénéfice de cette dernière.

La présente question préjudicielle posée par le Conseil d'Etat à la CJUE ne porte que sur la première condition qui permet de définir une aide d'Etat. ,

1) La Cour constate, en premier lieu, que le nouveau mécanisme de compensation est imputable à l’État français. En effet, les autorités publiques françaises doivent être considérées comme ayant été impliquées dans l’adoption du mécanisme en cause,  celui-ci ayant été  institué par  voie législative.

En second lieu, le nouveau mécanisme de compensation constitue un avantage accordé au 
moyen de ressources d’État. 

En l’espèce, s’agissant de  la nature étatique des ressources, la Cour relève  que  les sommes visant à compenser les surcoûts résultant de l’obligation d’achat pesant sur les entreprises sont collectées auprès de l’ensemble des consommateurs finals d’électricité sur le territoire français et confiées à un organisme public, la CDC. 

En outre, le montant de la contribution pesant sur chaque consommateur final d’électricité est fixé annuellement par arrêté ministériel. Or, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, des fonds alimentés par des contributions obligatoires imposées par la législation nationale, gérés et répartis conformément à cette législation, peuvent être considérés comme ressources d’État. 
S’agissant du  contrôle exercé par la CDC, la Cour relève  que les fonds transitent par la CDC, celle-ci centralisant les sommes collectées sur un compte spécifique avant de les reverser aux opérateurs concernés, intervenant ainsi en tant qu’intermédiaire dans la gestion de ces fonds.

La France est ainsi déboutée qui soutenait la thèse inverse les surcoûts en question ne constituaient pas une aide d'Etat au sens du droit communautaire. Pour ce faire, il soutenait que l’obligation d’achat est neutre pour le budget de l’État en ce que l’État ne renonce pas à percevoir les recettes. Il , fait valoir que la contribution des consommateurs finals n’est qu’une modalité d’organisation de la répercussion des coûts additionnels supportés par les débiteurs de l’obligation d’achat de l’électricité éolienne. Enfin, la désignation de la CDC en tant qu’entité chargée de centraliser les contributions et de répartir les fonds collectés serait, selon lui, motivée par des considérations pratiques liées au nombre d’entreprises soumises à l’obligation d’achat.


Cette affaire va se poursuivre devant le Conseil d'Etat maintenant qu'il a reçu de la CJUE la réponse  à sa question préjudicielle.  La fédération nationale Vent de Colère en attend l'annulation de l’arrêté tarifaire du 17 Novembre 2008 .La Commission européenne doit quant à elle enquêter dès aujourd'hui afin que soient déterminés et remboursés les bénéfices excessifs captés par les investisseurs éoliens en France depuis 2001.

Cela pose la question de savoir si cette aide d'Etat, au sens du droit communautaire, poursuit un but d'intérêt général et à ce titre constitue une incitation au développement des énergies renouvelables, oui bien, s'il s'agit, comme le soutien l'association Vent de Colère, "en réalité une aubaine financière fonctionnant à guichet ouvert aux frais des  consommateurs." Dans cette hypothèse, la Commission serait en droit de demander de rembourser cet aide indue à leurs bénéficiaires rétroactivement (l'action de la Commisison est prescrite 10 ans après le versement de l'aide au bénéficiaire). 

En savoir plus. 

L'association Vent de Colère s'oppose à l'éolien industriel : http://www.ventdecolere.org/

Le communiqué de presse :http://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2013-12/cp130163fr.pdf

Les conclusions de l'Avocat Général M. Nilo Jaaskinen présentées le 11 juillet 2013 :  http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=139422&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=1273155

Le texte de l'arrêt : http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=145912&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=1273155


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Merci de faire part de vos remarques et commentaires dans le respect de la loi dans un souci de dialogue constructif et respectueux de chacun.

Philippe DELOIRE