dimanche 4 octobre 2015

L'EFFACEMENT DE LA DETTE INJUSTE DE PAYS SURDENDETTES SE HEURTE AUX TEXTES EUROPEENS

Dans un arrêt du 30 septembre 2015, le Tribunal de l'Union européenne a donné raison à la Commission européenne en jugeant que l'initiative citoyenne européenne visant à permettre l'effacement de la dette publique onéreuse des pays en état de nécessité, tels que la Grèce, ne peut être enregistrée. 

Le texte de l'arrêt. 

http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=9ea7d2dc30dd92d8459b0a4542b3b84099940e81405e.e34KaxiLc3qMb40Rch0SaxuRaNj0?text=&docid=168881&pageIndex=0&doclang=fr&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=477
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La demande de M Alexios Anagnostakis : http://alineabyluxia.fr/eu/jp/2012/10/11/JOC_2012_399_R_0024_02

1. Les raisons juridiques du rejet de la demande.

 La Commission européenne, le 6 septembre 2012, a rejeté la demande d’enregistrement de l’initiative citoyenne intitulée "UN MILLION DE SIGNATURES POUR UNE EUROPE SOLIDAIRE". 


Rappelons la définition de l'initiative citoyenne (ICE) introduite par le traité de Lisbonneune initiative présentée à la Commission conformément aux termes de l’article 2, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 211/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 2011, relatif à l’initiative citoyenne (JO L 65, p. 1), adopté sur le fondement de l’article 24, premier alinéa, TFUE.

Elle a pour objet d'inviter celle-ci à soumettre, dans le cadre de ses attributions, une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles des citoyens considèrent qu’un acte juridique de l’Union est nécessaire aux fins de l’application des traités, et ayant recueilli le soutien d’au moins un million de signataires admissibles provenant d’au moins un quart de l’ensemble des États membres. 

L'objet de l'initiative est de consacrer dans la législation de l’Union européenne le « principe de l’état de nécessité, selon lequel, lorsque l’existence financière et politique d’un État est menacée du fait du remboursement d’une dette odieuse, le refus de paiement de cette dette est nécessaire et justifié ». La proposition d’ICE se réfère à la « politique économique et monétaire (articles 119 [TFUE] à 144 TFUE) » comme fondement juridique de son adoption.

Par décision du 6 septembre 2012, la Commission a refusé d’enregistrer la proposition d’ICE au motif qu’elle ne relevait manifestement pas des attributions lui permettant de soumettre une proposition d’adoption d’un acte juridique de l’Union aux fins de l’application des traités.

En pratique, le  principe de l’état de nécessité justifierait le refus par un État d’honorer le remboursement de sa dette publique lorsque son existence financière et politique est menacée du fait d’un tel remboursement.

Le tribunal de l'UE réfute tous les arguments développés par le requérant en considérant qu'aucun des textes invoqués n'est pertinent (ni au titre de la solidarité financière due aux Etats membres qui risquent de connaître ou connaissent de graves problèmes de financement, ni dans le cadre de la solidarité financière liée à la survenance d'événements exceptionnels qui se traduit par une aide ponctuelle et structurelle). 

Cette voie juridique est donc fermée. En existe t-il une autre ? 

2. Les problèmes politiques que posent cette demande.

Il est clair que cette revendication venant d'un citoyen grec dont, en 2015, la dette publique de son pays est égale à 2 fois sont PIB, pose un problème politique d'envergure. 

Comment définir la notion de dette odieuse ? 

L’utilisation des concepts incorporés par la doctrine de la dette odieuse apparaît à la fin du 19ème siècle lors de la décolonisation de l’Amérique Latine. 

Selon Wikipédia : " La dette odieuse résulte d'une jurisprudence avancée par certains auteurs en matière de droit international relative à une dette contractée par un régime, et qui sert à financer des actions contre l'intérêt des citoyens de l'État et dont les créanciers avaient connaissance. On parle aussi de « dette odieuse » lorsqu'elle a été contractée par une dictature et qu'elle doit être remboursée lors de la transition démocratique.
Dans cette optique, ces dettes sont considérées comme des dettes du régime qui les a contractées, et non pas de l'État en entier." 

Le terme employée renvoie à une dette illégitime.  La notion d’illégitimité d’une dette constitue d’abord une appréciation morale ou politique : elle n’a pas à proprement parler de définition en droit. Elle a été utilisée pour la première fois par une instance officielle en 2000, dans la sentence rendue par la cour fédérale argentine pour qualifier la dette contractée par le régime dictatorial de 1976 à 1983. Plus récemment, le gouvernement norvégien a utilisé le terme pour renoncer au remboursement de certaines de ses créances. 

Au niveau de l'UE, cette notion signifie t-elle que la constitution de la dette a été imposée par des créanciers européens (BCE, Commission européen) ou un créancier international (FMI) par des mesures qui ont été inappropriées et n'ont pas permis de relancer la croissance de l'économie grecque ? Faut-il se référer à un montant du de la dette en tant que telle (quand elle dépasse 150% du PIB, par exemple) et qu'à partir de cette somme elle est considérée comme non soutenable ? Il faudrait une soixantaine d'années pour rembourser la dette grecque à ce jour. S'agit-il de la nature des créanciers 

3. Vers une prise en compte politique de cette notion ?

Annuler tout ou partie des 320 milliards d’euros de dette grecque, « c’est possible, explique l’économiste Xavier Timbeau, en janvier 2015 dans un interview au quotidien La Croix, à condition, évidemment, que les créanciers l’acceptent ». Actuellement, 70 à 80 % des titres grecs sont entre des mains publiques (lire les Repères p. 3). Le secteur privé (banques, assurances, fonds) avait renoncé dès 2012 à 107 milliards d’euros de remboursement (soit une décote supérieure à 50 %).

Il est vraisemblable que cette solution radicale sera refusée mais qu'une annulation partielle ou un rééchelonnement supportable peut être envisagé. 

 En 2012, les créanciers de la Grèce s’étaient engagés à rediscuter de la dette grecque en profondeur dès que le pays aurait un budget en excédent primaire (c'est-à-dire que ses recettes seraient supérieures à ses dépenses, frais financiers mis à part). La Grèce a passé ce cap là en janvier 2014, mais aucune discussion n’a eu lieu.

Lors de l'élection du nouveau gouvernement d'Alexis Tsipras, le 25 janvier 2015, le programme du futur Premier Ministre comportait la demande d'une annulation partielle de la dette grecque jugée comme insoutenable atteignant à l'époque 175% du PIB. 

Dominique Strauss-Kahn, ancien Directeur Général du FMI, fin juin 2015, a proposé d’arrêter tout financement européen à l’égard de la Grèce, ainsi qu’une réduction de la dette nominale grecque et de procéder à un allongement de sa maturité. Autrement dit, il s’agit d’étaler son remboursement dans le temps.

De nombreuses voix de la part d'économistes ou d'hommes politiques se font entendre pour obtenir cette remise en cause de la dette et l'on sait que cette a fait l'objet de la négociation très tendue avec les créanciers de la Grèce, à Bruxelles. Il a été acté que cette question serait traitée après que la Grèce ait appliqué le plan de réformes drastiques de juillet 2015, mais quand ?

Le précédent allemand en 1953 plaide en faveur d'une solution humaine et généreuse vis à vis d'un peuple qui a beaucoup souffert de l'austérité. Mais, cela demande de la part de l'Allemagne, de pays nordiques et de certains PECO de ne pas se limiter à l'application drastique des accord signés.  

Conclusion.

Le résultat d'un refus d'un geste significatif est que l'opinion publique grecque est remontée à l'égard de l'Allemagne et de la Troïka (dite les Institutions désormais). Cela laisse des traces durables dans l'esprit des peuples et remet en cause le principe de solidarité qui doit organiser la vie des Etats de l'UE, conçu comme un ensemble dans la mondialisation. 













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Philippe DELOIRE