dimanche 17 janvier 2016

PETROLE, BOURSES, GEOPOLITIQUE : L'ARABIE SAOUDITE JOUE A L 'APPRENTI SORCIER

On apprend, ce dimanche 17 janvier 2016, que les places boursières des monarchies pétrolières du Golfe ont fortement chuté, plombées par la baisse des prix du brut et la perspective du retour de l'Iran sur le marché.

C'est l'une des ultimes conséquences de la décision unilatérale de l'Arabie Saoudite de faire baisser artificiellement le prix du baril de pétrole. Elle poursuit deux buts : Il s'agit d'exercer une pression sur la Russie en ce qui concerne la Syrie afin d'inciter celle-ci à modifier sa position à l'égard de Damas. Elle cherche, également, faire péricliter le marché naissant du gaz de Schistes aux Etats-Unis, en considérant qu'au dessous d'un certain prix du baril de pétrole, cette exploitation de nouveau gisement ne serait plus rentable.

Le premier pays exportateur de pétrole semble pris à son propre piège pour 3 raisons. 

1) L’Arabie saoudite ne maîtrise pas le cours du pétrole.

 Le 17 janvier 2016, le baril valait 30,39 dollars et le Brent : 29, 24€, alors qu'il avait atteint 146 dollars le baril en 2008, soit près de 20% de sa valeur par rapport à son sommet. Cette situation s'explique par l'offre largement supérieure à la demande qui va être encore renforcée par l'arrivée sur le marché du pétrole 

iranien depuis l'accord sur le nucléaire iranien finalisé le 16 janvier 2016. Selon les analystes, l'évolution du marché du pétrole tient à plusieurs facteurs comme la récente dépréciation du dollar, la course au rendement des investisseurs dans un contexte de taux bas, sans oublier l’instabilité au Yémen, et le léger déclin de la production de pétrole de schiste américain. Autant de facteurs qui ne dépendent pas de l'Arabie Saoudite. 

2) Une cure d'austérité sans précédent.

Etant donné que  les recettes pétrolières représentent plus de 90 % des revenus de l’Arabie Saoudite, a présenté un budget 2016 déficitaire, lundi 28 décembre, faisant suite  à un déficit record de 89 milliards en 2015, selon les statistiques du Ministère des Finances. En 2016, les revenus du pays devraient s’élever à 125 milliards d’euros, les dépenses représenteraient 204 milliards d’euros soit un déficit de 80 milliards d’euros.

Les conséquences pour la population saoudienne vont se faire sentir rapidement suite aux mesures décidées par la Monarchie des Saoud : Introduction de la TVA (une invention française due à l'inspecteur des Finances, Maurice Lauré, en 1954), hausse du prix de l'eau, de l'électricité et du pétrole durant les 5 dernières années, et un programme de privatisations va être lancé. Sur le long terme, l'économie saoudienne ne sera viable que si elle diversifie les ressources de son économie basée, trop longtemps, sur l'illusoire rente pétrolière, dont on sait qu'elle porte malheur...

3) L'équilibre géopolitique remis en cause.


En ne jouant plus le rôle de modérateur au sein de l'OPEP (Organisation des Pays Exportateurs du Pétrole), mais en favorisant une baisse du prix en ne raréfiant pas sa production, l'Arabie Saoudite n'a sans doute pas mesuré les conséquences géopolitiques de sa décision essentiellement économique.

- Une industrie pétrolière et para-pétrolière en crise, dont les Majors (Total, Technip, Vallourec en France) annoncent des résultats en baisse et des licenciements par milliers et retardent leur programme d'investissements permettant de trouver de nouveaux gisements, ce qui met en cause l'économie même de ces entreprises. Par exemple, BP a publié un résultat du deuxième trimestre 2015 s’élevant à 1,3 milliard de dollars contre 2,6 milliards de dollars le trimestre précédent et en fort recul par rapport au deuxième trimestre 2014 : 3,6 milliards de dollars de résultat. Cette chute est en grande partie imputable à la baisse du cours du baril qui s’est échangé en moyenne à 54 dollars sur le deuxième trimestre alors que le groupe avait budgété un cours de 62 dollars.  Alors à 30 dollars le baril...

- Une chute de ces valeurs boursières et de la Bourse en général, inquiète des conséquences du ralentissement sensible de la croissance chinoise, ce qui ne pèsera pas sur la demande pétrole. Si la chute de la Bourse chinoise a déclenché un vent de panique sur les différents places financières, la baisse accentuée du cours du pétrole de 40 à 30.dollars le baril a joué son rôle. Même les pays du Golfe sont touchés puisque ce dimanche 17 janvier la Bourse d'Abou Dhabi a chuté de 4,5% et celle du Koweit de 1,3%  

- Un antagonisme entre l'Iran (Chiites) et l'Arabie Saoudite (Sunnites) ravivé suite à l'exécution d'un dignitaire religieux iranien ce qui a conduit Ryad a rompre ses relations diplomatiques avec Téhéran. La Conférence de paix qui s'ouvrira le 22 janvier prochain, à Genève, sous l'égide de l'ONU risque d'être un échec de ne pas parvenir à démêler l'imbroglio proche-oriental car l'Iran ne figure pas sur la liste des invités et la principale coalition d'opposition syrienne a déjà annoncé son refus d'y participer.

- Enfin, la moitié de la croissance économique des Etats-Unis depuis 2011, est due à l'exploitation des gaz de schistes, largement subventionnée par le Gouvernement fédéral. Dans son rapport du 30 avril 2014, le député Frédéric Barbier note : "L’industrie américaine du secteur de l’exploration-production est particulièrement dynamique, en raison d’une activité intense depuis plusieurs décennies. De nombreuses sociétés de services, principalement de forage, sont présentes sur les sites, avec les équipements et un personnel expérimenté, à des prix compétitifs. On compte environ 1 770 équipements de forage en activité sur le territoire américain en janvier 2014 (2) , contre seulement 126 en Europe (3) ." Source : 
http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rap-info/i1919.pdf

Les experts ne sont pas d'accord pour fixer le seuil de rentabilité du gaz de schistes (30, 50,80€) les estimations variant également selon les coûts pris en compte (coûts directs et indirects), mais, il est certain, que face à cette nouvelle frontière qui mobilise un pays tout entier, à ce jour, ce nouveau filon ne s'est pas tarit et l'exploitation continue, même s'il est certain que la baisse continue du prix du baril de pétrole va contraindre l'industrie américaine, fortement subventionnée à s'adapter et à franchir un nouveau cap technologique. 

Et si l'Arabie Saoudite avait sous-estimé la résistance américaine à cette offensive ?


En conclusion, ouvrir la boite de Pandore est une chose, ce qui en sort en est une autre. 










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Philippe DELOIRE