lundi 2 janvier 2017

LE REFUS DES IDEOLOGIES MORTIFERES OU SE SOUVENIR DE BAGDAD

1. La guerre d'Irak (2003-2011) : quand l'idéologie prend le pouvoir et provoque un désastre sans nom. 

En mars 2003, le Président des Etats-Unis George Walter Bush a déclenché une guerre contre l'Irak, sans l'aval de l'ONU, en affirmant de façon mensongère que ce pays possédait des armes de destruction massive en violation des règles internationales alors que l'AIEA (Agence Internationale de l'Energie Atomique) n'avait trouvé aucune preuve déterminante lors de ses inspections répétées les mois précédents. Le pays était dirigé d'une main de fer par Saddam Hussein qui régentait son pays et malgré tout était le ciment du pays assurant même la protection des minorités en terre d'Islam, comme les Chrétiens. 


Près de 14 ans après, on mesure combien la vision simpliste du Président entre les Bons et les Méchants a détruit l'unité de ce pays héritier de la grande civilisation de la Mésopotamie. Appliquant les règles du Far West en vigueur au Texas à l'Irak, il s'agissait après l'entrée en guerre de publier un avis de recherche de Saddam Hussein contre rançon, de le faire arrêter, de le faire juger et condamner à mort pour les crimes commis, notamment, le "génocide kurde" en 1988 fomenté par son cousin Ali Hassan al-Majid, surnommé «Ali le Chimique», responsable de l'extermination de près de 200 000 Kurdes en pendant l'opération «al Anfal» (butin de guerre), ainsi nommée d'après une sourate du Coran (1) ce qui sera fait le 30 décembre 2006, par pendaison, dans la base militaire de Kadhimiya; dans la banlieue nord de Bagdad à 6 heures et 5 minutes. 

Les Etats-Unis s'étaient imaginés apporter la Démocratie politique à l'Irak pour ne pas écrire la civilisation à un pays considéré comme arriéré. En raison des divisions religieuses entre Chiites et Sunnites, il en résultat un chaos et la multiplication des attentats surtout que les EU ne trouvèrent rien de mieux que démanteler la police et l'armée irakienne pour y substituer la force d'occupation américaine. En 2007, la guerre civile est terminée et elle a provoquée le départ de 2,4 millions d'Irakiens (2). Le 18 décembre 2011, le dernier soldat américain quitte le sol irakien conformément à l'engagement du Président Obama en arrivant au pouvoir en 2008. Bilan, un coût de l'opération de 600 milliards de dollars et prés de 500.000 personnes y ont laissé la vie, les soldats de la coalition seraient responsables de 30% des morts et les milices irakiennes d'autant soit 150.000 morts dans chaque camp (3). 

La suite on la connaît, le printemps arable qui se traduit en Syrie par des habitants qui réclament la démocratie et qui sont combattus sans pitié par le Chef de l'Etat, Bachar El Assad et en 2013 au moment où il utilise les armes chimiques contre son peuple et que la France souhaite intervenir militairement avec le soutien de l'ONU, les Etats-Unis s'y opposent. En juin 2014 2014, l'Etat Islamique est proclamé qui s'étend en Irak et en Syrie. (4).  

Personnellement, je ne verrai aucun obstacle à ce que l'ancien Président américain (2000-2008) soit attrait devant la Cour Pénal Internationale de la Haye, le rapport Chilcot en Grande-Bretagne et le rapport Feinstein aux Etats-Unis soulignant de nouveau les crimes commis en Irak ou en Afghanistan au cours d’interventions militaires discutables dans leurs fondements ou dans leurs déroulements (5). Personne n'a oublié le sort des prisonnier en tenue orange dans le camp de Guantanamo et l'usage de la torture, notamment dans la sinistre prison d'Abou Ghraib où un prisonnier est décédé suite à un interrogatoire très particulier, ces pratiques se déroulant en violation des traités et conventions internationales ad hoc que les E.U. ont signés. La CPI qui est devenu experte pour faire juger des Chef d'Etats africains (au point que l'Afrique pourrait se retirer de la CPI) démonterait que ce ne sont pas toujours les vaincus qui sont jugés, mais aussi les vainqueurs et dans le camp occidentale, le première puissance mondiale : les Etats-Unis.

2. Des Chrétiens anéantis et dispersés.  

Combien de vies brisées dans ce conflit qui n'en finit pas et qui fait des Irakiens pour un certains nombre d'entre eux des exilés, prenant le chemin de l'Europe ou des pays voisins et devenant des réfugiés pour un certain nombre d'entre eux ? La statistique ne donne qu'une faible idées des parcours de chacun devant cette épreuve, l'hebdomadaire "La Vie" consacre un numéro spécial intitulé "Le calvaire des Chrétiens d'Irak" dont les articles s'étendent du 20 mars 2015 au 24 novembre 2016 (6). 

Avant l'invasion américaine de 2003, plus d'un million de Chrétiens vivaient en  Irak, dont plus de 600.00 à Bagdad, siège du patriarcat des Chaldéens, 60.000 à Mossoul, mais également dans la ville pétrolière de Kirkouk et dans la cité méridionale de Bassora. Mais en raison des violences meurtrières qui ont secoué le pays depuis 10 ans, ils ne sont aujourd'hui plus de 400.000 sur l'ensemble du territoire (7).   




3. Sur le chemin de l'exil avec Inaam Kachachi en attendant le retour sur la terre natale. 



Dans l'émission Chrétiens d'Orient diffusé sur France-Culture le dimanche 1er janvier 2017 était invitée Inaam Karachi, écrivain, journaliste et correspondante de presse pour les journaux arabes Asharq Al-Awsaf et Kol Al-Usra qui présentait son livre intitulé "Dispersés" publié chez Gallimard, en 2016, interviewée par Sébastien de Courtois. 




Inaam Kachachi: «Dispersés»



Il faut écouter son témoignage avec attention (8) qui traduit une personnalité forte et déterminée à défendre la mémoire des Chrétiens d'Irak en tant que peuple et non comme appartenance confessionnelle. Un roman qu’elle a écrit « pour les Irakiens. C’est leur livre. Il raconte leur vie – leur vie d’avant la barbarie, un monde sans doute irrémédiablement disparu, et dont il faut absolument conserver la trace". Ce travail de mémoire et d'histoire est essentiel pour qu'on n'oublie pas l'Irak d'avant 2003, avant l'éclatement du pays et la dispersion de ses habitants. 

La lauréate 2016 du prix littérature arabe décernée par l'IMA (Institut du Monde Arabe) présidé par Jack Lang évoque dans son livre le parcours intime des ses héroïnes et des ses héros du quotidien pour restituer le plus fidèlement possible les scènes de vie qu'elle a vécu et qu'elle romance avec justesse pour dresser des portraits attachants qui marquent nos esprits occidentaux quand les besoins essentiels ne sont pas assurés (eau, électricité, nourriture, transports etc) habitués que nous sommes avec un certain niveau de confort. 



Imaan Karachi lors de sa remise de prix à l'IMA, le 2 novembre 2016. A droite de la photo, Pierre Leroy, le Président du Jury et Jack Lang, le Président de l'IMA. . 

Etablie à Paris, la romancière raconte l'histoire de plusieurs générations de femmes à compter des années 1950 en Irak qui ont pour point commun d'être des femmes médecins (9). En fait , un reportage sur ces dernières décennies en Irak de façon à retracer l'Irak de la paix des années 50 à la guerre du Golfe (1990-1991) suite à la décision de Saddam Hussein d'envahir le petit Koweit, puis l'embargo décidé par l'ONU dans le cadre de l'opération "pétrole contre nourriture" et à compter de 2003 on connaît la suite. Une population irakienne sacrifiée à cause de la folie de deux hommes : Saddam Hussein et George Walter Bush.  Au delà  de l'exil des Chrétiens, l'auteur rappelle qu'il s'agit de l'exil de l'Irak lui-même sorti de l'histoire, vassalisé, où les murs communautaires et les haines religieuses ont été exacerbées par les EU en s'appuyant sur les uns pour mieux défaire les autres.  La gouvernance est devenue communautaire au moment de l'occupation des EU. Comment sortir de ces rancoeurs communautaires ?

La prise de Mossoul prochainement sans doute par l'armée irakienne composite conduira à faire reculer l'Etat Islamique de cette ville stratégique, mais l'après guerre et la gouvernance qui en naîtra sera déterminante pour l'avenir de l'Irak. Soit Sunnites et Chiites s'uniront pour le bien de l'Irak, soit les Irakiens se déchireront selon ce clivage religieux. C'est l'enjeu de l'Irak de demain, devenir un pays uni autour d'un projet politique pour l'Irak lui-même rassemblé convaincu que ces divisions héritées d'une idéologie américaines sont mortifères et loin de la vie d'un pays paisible qui envisage son avenir avec confiance. 

Sans doute,  dans un HLM de Vigneux-sur-Seine, ses voisins ne se doutent pas que dans la lucarne éclairée vit une femme de 80 ans qui a du quitter l'Irak pour rejoindre sa nièce en France quand dans son pays cette femme gynécologue au service des enfants à naître et de leurs mères était considérée, reconnue et avait su faire sa place comme chrétienne dans un pays musulman. Devenue une simple réfugiée, dont Imaan Karachi affirme que "C'est la honte" dans son entretien à France-Culture. Et si c'était les futures générations qui vont relever la tête?

La lumière s'éteint à la fenêtre de ce HLM et peut-être que ses enfants et petits-enfants pourront un jour revenir dans leur pays pacifié dont leur grand-mère leur parle sans arrêt pour ne pas oublier qu'ils sont Irakiens. "Sur le chemin de retour" reste à écrire après "Les Dispersés".  

Ce jour-là, l'auteur de "Si je t'oublie, Bagdad" pourra dire qu'elle a été fidèle à son serment et que sur les traces d'Aladin, l'Irak sera redevenu le grand pays qu'il n'aurai jamais cessé d'être, après avoir frotté la lampe magique, formulé un voeu et détrôné le méchant grand Vizir... Au pays des Mille et une Nuits on n'a pas fini de raconter l'histoire de l'Irak ...



Notes 


(1) Voir l'article de Libération : http://www.liberation.fr/planete/2006/08/22/saddam-hussein-en-proces-pour-le-genocide-kurde_5801
(2) Pour une chronologie détaillée voir l'article du Monde Diplomatique : http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2014/06/14/liberte-en-irak-retour-sur-le-fiasco-de-l-invasion-americaine_4438289_3218.html
(3) Pour en savoir plus voir l'article du Point  : http://www.lepoint.fr/monde/les-500-000-morts-de-la-guerre-en-irak-18-10-2013-1745327_24.php
(4) Pour une chronologie 2011-2016 voir le commentaire du livre de Michel Goya intitulé "Levant violent" : 
http://pierrebayle.typepad.com/pensees_sur_la_planete/2016/02/levant-violent-une-analyse-militaire.html
(5) 
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/07/09/george-w-bush-et-tony-blair-devant-la-cour-penale-internationale_4966702_3232.html#17B5Tmmy1rXA66xM.99
(6) http://www.lavie.fr/dossiers/chretiens-irak/
(7) En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/08/06/qui-sont-les-chretiens-d-irak_4467331_4355770.html#KrjvDTHzbotRYZWD.99
(8) https://www.franceculture.fr/emissions/chretiens-dorient/disperses-avec-inaam-kachachi
(9)  http://www.rfi.fr/emission/20160206-kachachi-journaliste-romanciere-disperses 

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Philippe DELOIRE