dimanche 25 septembre 2011

EUROPE : UN EDITORIAL DU GERANT ET DIRECTEUR DE LA PUBLICATION DE LA TRIBUNE D'ORLEANS TRES CONTESTABLE.

Dans le numéro 226 du jeudi 25 août 2011 de la Tribune d'Orléans, le Gérant et Directeur de Publication, Laurent Rouault, a signé un éditorial intitulé "Europe : le fédéralisme comme seule alternative à la faillite des Etats-nations".


http://www.loire-net.tv/media/tribune_pdf/orleans/tribune-orleans-226.pdf Voir page 6.


Je dois dire que le ton de cet éditorial m'a mis mal à l'aise en raison de son acrimonie et de la dénonciation systématique de la faillite des Etats nations, synonyme de dirigeants incompétents qui ne sont pas à la hauteur de la situation politique et économique que connaît l'Union européenne. On est en présence d'un raisonnement simpliste, qui repose sur la désignation d'un bouc-émissaire : ces Etats nations impécunieux et qui exalte une solution toute trouvée : le fédéralisme européen. Ces Etats nations sont sanctionnés par les opinions publiques et les marchés financiers qui "constatent bien la stérilité de l'agitation de nos chefs d'États, condamnés par le jeu des institutions qu'ils ont créées à jouer juste une mauvaise pièce de théâtre."


Au demeurant, cet éditorial comporte 3 inexactitudes qui sont les suivantes.


"Une monnaie commune sans gouvernance politique, donc sans réelle gouvernance économique, ..."


La monnaie commune fait bien l'objet d'une gouvernance politique dans le cadre des institutions de l'Union européenne (Conseil Européen, Conseil, Commission européenne, Parlement). Le lien établi entre l'absence de gouvernance politique d'où découlerait une gouvernance économique de l'Euro n'a rien de logique ni d'automatique. L'Union européenne s'est toujours facilement mise d'accord sur les règles économiques qui président à la monnaie unique (adhésion à la zone euro à travers les critères de Maastricht, gestion de la zone euro au vu du rôle dévolu à la Banque Centrale Européenne de Francfort, présidée par Jean-Claude Trichet), alors même que la gouvernance politique de la zone euro ne progressait pas.


La question de la gouvernance politico-économique de la zone euro signifie qu'il faut corriger les règles prévues par les traités européens qui n'instituent pas une solidarité automatique entre les 17 Etats membres de la zone euro, qu'il faut mieux associer le Parlement européen au contrôle du fonctionnement de la zone  euro et, également, s'interroger sur les missions de la BCE chargée de lutter contre l'inflation, mais non de mener une politique monétaire en fixant le taux d'intérêt directeur qui favorise la croissance économique.


A  propos "des élus légitimés par leurs seuls électeurs nationaux et démocratiquement investis d'un devoir de défense de ces intérêts anti-fédéralistes...", je ne peux que corriger cette affirmation péremptoire.


Les élus ne sont pas uniquement légitimés par les seuls électeurs nationaux, mais également par des institutions européennes comme le Parlement européen élu par ces mêmes électeurs nationaux et la Commission européenne désignée par les Gouvernements nationaux et le Parlement européen, sans compter le Président du Conseil européen désigné par les 27 Chefs d'Etats et de Gouvernement membres du Conseil Européen.


De façon spécieuse, l'auteur établi un lien entre le fait que les électeurs français élisent des élus français chargés de défendre les intérêts français (traduction du terme anti-fédéraliste). Un syllogisme qui nie l'existence de l'Union européenne et d'un idéal européen qui a porté l'action d'un certain nombre d'hommes politiques français, à commencer par Robert Schuman qui dans sa Déclaration du 9 mai 1950 annonça la création de la CECA (Communauté Economique du Charbon et de l'Acier) et de tant d'autres qui ont compris que la France repliée sur elle-même est condamnée au déclin et qu'elle a tout à gagner à contribuer à la mise en place d'une Europe forte et efficace dans un monde où seuls les grands ensembles comptent.


"Le paysan allemand, l'ouvrier français, l'entrepreneur danois, le fonctionnaire batave sont confrontés aux mêmes défis de la mondialisation."


En fait, la mondialisation touche de manière différente les Etats membres de l'Union européenne qui varie selon le degré d'ouverture de l'économie considérée aux échanges internationaux et européens, et selon la manière dont les gouvernants cherchent à se protéger  contre cette mondialisation, à l'accompagner ou à la devancer et à la préparer. On peut imaginer que le fonctionnaire hollandais est moins concerné par la mondialisation que l'ouvrier français face aux délocalisations, ou le paysan allemand dont le travail est régi par les règles de la Politique Agricole Commune ou l'entrepreneur danois qui peut bénéficier du marché intérieur européen - liberté de circulation des personnes, capitaux, marchandises et services -.


Enfin, pourquoi parler du fonctionnaire batave et non pas hollandais ? Sur Wikipédia on peut lire :"Quand il est utilisé en référence aux Néerlandais actuels, ce mot est considéré comme familier."


Enfin, cerise sur le gâteau on peut lire en guise de conclusion, on peut lire, " Pour une Europe forte et des Français prospères, il faut de la rigueur germanique,de la solidarité scandinave, du libéralisme à l'anglo-saxonne..."


En ce qui concerne le libéralisme à l'anglo-saxonne, c'est déjà fait, depuis que dans les années 1990, l'Union européenne à libéraliser des secteurs économiques entiers (transports, énergie, postes et télécommunications) et fait prévaloir les règles de la concurrence libre et non faussée. A propos de la solidarité scandinave, l'auteur fait référence au modèle socio-économique de la Suède dans les années 70-80, sous l'autorité du défunt Premier Ministre socialiste Olof Palme, qui s'est avéré un système coûteux et pas toujours très efficace, qui a cédé la place dans les années 90-2000 au modèle danois qui privilégie la flexsécurité dont en France le patronat a plus retenu l'aspect flexibilité que celui de la sécurité des travailleurs. Quant à la rigueur germanique, elle se conjugue avec un égoïsme de l'Allemagne réunifiée posant ses conditions pour se montrer solidaire à l'égard de la Grèce, l'homme malade de l'Europe depuis 30 ans et sur de nombreux autres dossiers, elle fait entendre sa voix, récemment, à propos de l'aide alimentaire aux plus démunis, dont je reparlerai ici.

Quand à considérer le fédéralisme européen comme la solution qui permettrait de dépasser l'égoïsme des Etats en attribuant à l'Union européenne de nouvelles compétences, c'est irréaliste. La liste des compétences exclusives de l'Union européenne a été définie par le Traité de Lisbonne et il n'y a pas d'accord politique pour la modifier. En tant de crise, c'est déjà beaucoup, quand on voit ces jours-ci une alliance entre la Pologne et la Grande-Bretagne se mettre en place pour démanteler la Politique Agricole Commune en l'orientant dans un sens plus libéral et axé sur l'environnement pour s'opposer à la demande de la France de maintenir le niveau des aides directes en faveur de ses agriculteurs.

La construction européenne demeure, plus que jamais un combat, où la France ne peut faire prévaloir son point de vue qu'à la condition de trouvers des alliés au sein des 26 pays de l'Union européenne. Il ne faut jamais perdre de vue cette réalité politique, loin des préjugés, des a priori et des idées toutes faites.


En conclusion, je dirai, une fois de plus, qu'on ne s'improvise pas commentateur avisé des questions européennes, mais qu'on le devient ...

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Philippe DELOIRE