vendredi 18 mars 2016

UN GRAND PROJET INUTILE SUR LA LOIRE « LE 2ème PONT DE JARGEAU »

Le Conseil Départemental du Loiret, présidé par Hugues Saury, Maire d’Olivet, qui succède depuis mars 2015 à Eric Doligé (Les Républicains), plus de 20 ans après, reprend à son compte le projet d’infrastructures consistant à dévier la route départementale 921 afin de remédier aux encombrements sur le pont de Jargeau, entré en fonction en 1988. Une enquête publique est organisée du 8 février au 17 mars 2016 dans les différentes communes concernées (1) Que faut-il en penser ?
1.     Une longue histoire.
Après l'ouverture à la circulation du pont de Jargeau en 1988, le trafic a augmenté sensiblement pendant une dizaine d'années. Dès 1994, le Conseil général du Loiret envisage la construction d'un nouveau pont sur la Loire en aval du pont de Jargeau afin de le désengorger aux heures de pointe.
La réunion du Conseil Général du 25 septembre 2003 désigne le « fuseau ouest » pour la construction d'un nouveau pont. Ce tracé concerne les communes de Sandillon, Darvoy, Jargeau, Mardié et Saint-Denis-de-l'Hôtel En avril 2005, un tracé est adopté.par le Conseil Géneral
Saisie en 2005, la commission des Pétitions du Parlement européen a rendu son rapport le 11 décembre 2007  exprimant un avis négatif suite à sa mission d’enquête à Paris et dans le Loiret du 1er au 2 octobre 2007 (2).
Le 8 septembre 2011, le Conseil général a organis deux réunions de concertation publique, à Jargeau et Sandillon sur l’aménagement de la déviation de la RD921. Il s’agissait de recueillir les avis des habitants des communes concernées afin de les intégrer au dossier d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique (DUP).

Le 16 novembre 2012, la Commission permanente du Conseil général a déclaré sans suite la passation d’un contrat de Partenariat Public privé(ou PPP) pour réaliser cette opération.

Le 6 février 2015, l'Autorité environnementale rend un avis favorable sur la déviation de la route départementale 921 entre Jargeau et Saint-Denis-de-l'Hôtel (3). 
Le Comité technique permanent des barrages et ouvrages hydrauliques donnait son feu vert en novembre 2015, permettant ainsi le lancement d’une enquête publique prévue du 8 février au 17 mars 2016.
Une réunion publique d’information s’est tenue à Darvoy, le 8 mars 2016, à l’initiative des promoteurs du projet.
2.     Le projet.
Le projet consiste à réaliser une déviation de la départementale avec la construction d'un nouveau pont sur la Loire au niveau de Darvoy. Il comprend la création d'une nouvelle route à deux voies sur près de 15 kilomètres entre la RD 13 au Sud sur la commune de Marcilly-en-VIllette et la RD 960 à l'Est de la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel.  il comprend un nouveau pont sur la Loire, à 3 km du précédent. Les communes concernées par le tracé sont : Marcilly-en-Villette ; Sandillon ; Darvoy ;Mardié ; Jargeau ; Saint Denis de l’Hôtel (4). Les objectifs sont de réduire le trafic sur le pont de Jargeau, réduire les nuisances sonores, sécuriser les centres villes traversés par la RD 921. Suite à l’étude d’impact sur le patrimoine, il est établi que le pont serait « horizontal, discret et linéaire », dénué de « superstructures ».

Pour en savoir plus, voir le film disponible sur le site du Conseil départemental du Loiret sous la rubrique "Zoom" d'une durée de 10 minutes. 

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De nombreuses oppositions et critiques.
1)     Les oppositions
1.1  La Commune de Mardié
La commune de Mardié a été l’une des rares à ne pas participer à la course aux zones d'activités ou de logistique, et a choisir une préservation de son environnement naturel et agricole dans le cadre d'un classement en "coupure verte". Celui-ci, confirmé dans le Schéma Directeur de 1993, se retrouve dans le SCOT approuvé en 2008 sous la dénomination de "Ceinture verte" avec des obligations de préservation. Avec ses modestes moyens, le village a entrepris la mise en valeur d'un patrimoine de qualité incluant notamment à l'Est la rive nord de la Loire, paysage somptueux, et les plaines et bois de Latingy ; ainsi que, par ailleurs, un tronçon intéressant du Canal d'Orléans.
La municipalité de Mardié en tant que telle est opposée à ce projet depuis l'origine : En effet, tout l'est de la commune, “ceinture verte” de l'agglomération orléanaise, sa zone agricole, ses bois, ses rives de Loire, seraient gravement impactés sans, pour autant, que cet ouvrage ne répond à l'intérêt général à court, moyen et long terme. Vous pouvez consulter ou télécharger l'avis de la commune (5).
            1.2 L’association Mardiéval et le Castor énervé
Jean-Marie Salomon est le Président de l’association Mardiéval dont le but est « d'assurer aux habitants un cadre de vie équilibré et sain. De contribuer au respect et à l'amélioration de la qualité de la biodiversité et des paysages. De contribuer à la connaissance et à la valorisation des milieux, et à l'éducation à l'environnement. De protéger nos territoires et leurs patrimoines naturels et urbains. ».
Depuis le 11 février 2007, il anime, également, le blog le Castor énervé (6) qui est le site militant de Mardiéval. La lettre du Castor est diffusée à environ 300 adresses.
A noter que le Blog naturaliste « Loire & biodiversité » (7) est une précieuse  source d’’informations écologiques sur l’état du fleuve royal. Celui-ci a atteint plus de 80 000 visiteurs uniques et de 1 200 000 pages vues,  grâce, notamment, à 150 inscrits et à des visiteurs « externes » de plus en plus nombreux.
            1.3 Le Collectif« La Loire vivra »
« La Loire vivra » est une coordination d'associations qui s'opposent au projet de déviation routière avec franchissement de la Loire entre Mardié et Darvoy. (8).
2) Les critiques
2.1. Le coût.
Compris entre 80 et 100 millions d’€, cet investissement est d’un montant élevé à un moment où le budget du département du Loiret subi les coupes budgétaires imposées par le Gouvernement. Il est à craindre, d’une part que le Département ne s’acquitte à minima de ses obligations en matière sociale à l’égard des plus défavorisés (RSA, allocation dépendance, prise en charge des déplacements par les car Ulys etc) au profit d’un investissement de prestige qui conforte le rôle de capitale de la logistique du département et favorise la circulation des poids lourds. D'autre part, cela représente environ 15% du budget du département du Loiret de plus de 600 millions d’ € par an et il est vraisemblable que ce coût estimé sera dépassé en raison des travaux d’envergure et la spécificité liée à la construction d’un pont sur la Loire.
2.2. Un pont mal conçu.
Selon le Conseil départemental, « le tracé retenu permet de dévier, de manière optimale, le trafic de transit des centres villes de Jargeau, Darvoy et Saint-Denis-de-l’Hôtel, polarisé avec l’agglomération Orléanaise, en l’orientant vers les axes structurants du Département (RD 2060 au nord et RD 14 au sud). Cette nouvelle infrastructure contribuera à la sécurisation et l’apaisement des itinéraires existants afin d’améliorer le cadre de vie de la population des centres villes traversées, et favorisera en outre l’émergence du projet de réouverture aux voyageurs de la ligne ferroviaire Orléans–Châteauneuf-sur-Loire. Dans le cadre de ce projet structurant, le Département s’est attaché à prendre en compte les contraintes majeures hydrauliques, environnementales et paysagères du site ».
Entre le pont Thinat à Orléans et celui de Jargeau, il y a 20 km. Est-il raisonnable et rationnel de construire un nouvel ouvrage à 1 km du premier, dans la zone la moins peuplée et la plus éloignée du centre de l’agglomération ? Si ce nouveau pont est envisagé c’est parce que le premier a été mal conçu : pas de piste cyclable, trottoirs étroits, et à la sortie des feux mal coordonnés fabriquant  des ralentissements matin et soir, aux heures d'entrée/sortie des entreprises de Saint-Denis-de-l'Hôtel et de Jargeau qui ne connaissent pas encore les "horaires variables" !
La réalisation projetée entraînerait du reste un surcroît important de trafic, notamment poids lourds, dans les villes de part et d’autre (Chécy et Mardié, Châteauneuf/Loire, Fay aux-Loges surtout au nord, Sandillon, Marcilly en Villette, Vienne-en-Val au sud).
2.3. Une évaluation du trafic contestable.
Selon les études menées, il était prévu que, de 2005 à 2015, le trafic routier sur le pont de Jargeau passerait d'environ 15 000 à 20 000 véhicules par jour. Un nouveau pont pourrait permettre de détourner environ 10 000 véhicules par jour. Ces prévisions ont été infirmées par la réalité puisque les comptages officiels du Conseil général indiquent qu'après une très faible hausse, les trafics ont amorcé une baisse entre 2007 et 2008, où on est revenu à 15 369 véhicules par jour.
En réalité, la circulation sur le pont  actuel varie entre faible et fluide. Sauf le matin, entre 8h 30 et 9h, où un ralentissement se met en place, les véhicules avancent à la queue-leu-leu à 5/10 km/h et font des haltes pendant la durée des feux intelligemment placés à la sortie nord. Le soir, scénario à peu près identique aux alentours de 18 h, sauf que le flux vers le sud est plus régulier, en l’absence de feux à Jargeau.
Selon l’association Mardiéval, la congestion actuelle du pont de Jargeau est fausse et le trafic ne « serait en aucun cas réduit : il augmenterait de 50 %, voire de 100 %, dans la pire hypothèse. » À Darvoy, selon « Mardiéval », le trafic n’augmente pas. « Il est redescendu à 6 700 véhicules/jour » et n’est pas « un trafic de transit mais très majoritairement local ».entre le Sud et le Nord-est de l’aire urbaine orléanaise.
2.4 Des atteintes sérieuses à l’environnement. Quid du développement durable ?
La construction d’un tel ouvrage d’art de 15km de routes supplémentaires contredit d’une part, les ambitions de développement durable réaffirmées dans le projet de mandat du Conseil départemental du Loiret et, d’autre part, le vœu concernant la lutte contre le changement climatique qui a franchi une étape avec l’accord lors de la COP 21 de décembre 2015.
Ce pont sacrifierait une zone naturelle au tout routier, en contradiction avec les impératifs de la COP 21. Le pont serait construit, selon les associations en tenant insuffisamment compte d’un écrin de verdure classé patrimoine mondial de l’UNESCO et et des zones classées Natura 2000 par l’Union européenne qui traduisent la richesse de sa faune et de sa flore.
Le Conseiller départemental Thierry Soler (EELV) reconnait qu’il n’est pas parvenu à convaincre ses collègues que cette déviation ne résoudrait que partiellement les nuisances que connaissent les habitants de Saint-Denis-de-l’Hôtel et de Jargeau, nuisances qui seraient en revanche amplifiées ailleurs. Enfin, il souligne qu’une telle infrastructure aurait indiscutablement un impact sur le fameux « capital nature » du Loiret, comme disent mes collègues quand ils parlent des êtres vivants, de l’air, de l’eau et de la beauté du département. Malgré cela, la majorité départementale entend y consacrer près de 20% des dépenses d’investissement d’ici 2021 au détriment de bien d’autres besoins.
3. Des solutions alternatives.

Dans l’esprit des normes européennes, les lois Grenelle II exigent que l’on prenne en considération toutes les alternatives possibles ayant moins d’impact et à un coût raisonnable. 

Elles n'ont pas été prises en compte par les auteurs du projet. 

- La passerelle cyclistes-piétons accrochée au pont existant : unanimement réclamée, et tout à fait possible comme à Olivet, elle resterait indispensable pour la sécurisation des utilisateurs même avec une déviation : aucun cycliste circulant entre Saint-Denis et Jargeau n’irait utiliser un nouveau pont éloigné! 

- Un rond-point circulaire au sud : en sortie du pont, il soulagerait le « cisaillement » responsable de ralentissements. 

- Un aménagement de carrefour au nord : écoulant le trafic de transit de la D 921, il supprimerait le « point dur » le plus pénalisant. 

- Des aides à l’insonorisation phonique des habitations pour réduire les impacts du bruit sur les plus exposées, des chaussées anti-bruit etc.
Selon le Collectif « La Loire vivra », des solutions alternatives et bien moins coûteuses pour limiter les bouchons, existent. "Elles consistent à aménager les deux têtes de l'actuel pont au nord et au sud avec des giratoires par exemple ou encore à développer le co-voiturage" explique Alain Dalaigre du Collectif. 

De plus, des aménagements (y compris pour franchir la voie de chemin de fer) seraient tout à fait envisageables et beaucoup moins coûteux en termes financiers ou d’atteinte à l’environnement.

En conclusion, il serait souhaitable que ce GPI ne voit pas le jour, ni en 2021, date d'entrée en fonction, ni ultérieurement. Il s'agit d'abord  raisonnablement de privilégier les solutions alternatives et de les évaluer. Trop compliqué pour le Conseil départemental du Loiret ? 
                                               NOTES
(1)   Durant cette période, les pièces du dossier sont également consultables dans les mairies et communautés de communes suivantes : Bou, Darvoy, Férolles, Jargeau, Mardié, Marcilly-en-Villette, Sandillon, Saint-Cyr-en-Val, Saint-Denis-de-l’Hôtel, Communauté de communes des Loges, Communauté de commune des Portes de Sologne, Communauté de commune Valsol, Communauté d’agglomération d’Orléans Val de Loire. 



1 commentaire:

  1. Inutile pour ceux qui ne subissent pas les nuisances de la circulation dans Jargeau.
    C'est le summum de l'égoïsme !
    PH.X.

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Philippe DELOIRE