dimanche 8 septembre 2013

LE JEU D'ECHECS POUR CELEBRER LA BEAUTE DE LA VIE





1. Yoko Ogawa. 


Yoko Ogawa est une écrivaine japonaise, auteur de nombreux romans - courts jusqu'en 1996 - ainsi que de nouvelles et d'essais. Elle est diplômée de l'université Waseda et elle vit à Ashiya, Hyōgo, avec son mari et son fils.

Elle a remporté le prestigieux Prix Akutagawa pour "La Grossesse" en 1991, et également les Prix Tanizaki, Prix Izumi, Prix Yomiuri, et le Prix Kaien pour son début.

Son univers obsédant, son écriture d'une exigence totale, d'une économie et d'une accuité remarquables, donnent à son œuvre déjà importante une place indéniable dans la littérature contemporaine.

Ses romans sont caractérisés par une obsession du classement, de la volonté de garder la trace des souvenirs ou du passé (L'Annulaire, 1994 ; Le Musée du Silence, 2000, "Cristallisation Secrète", 1994), cette volonté conjuguée à l'analyse minutieuse de la narratrice (ou, moins fréquemment, du narrateur) de ses propres sentiments et motivations (qui viennent souvent de très loin) débouchant fréquemment sur des déviations et des perversions hors du commun, le tout écrit avec des mots simples qui accentuent la force du récit.


2. Le petit joueur d'échecs.

Sur la quatrième de couverture on peut lire :" Un petit garçon né avec les lèvres scellées vit aujourd’hui avec un léger duvet sur la bouche, une hypersensibilité à tout déplacement d’air. Après la disparition de sa mère, il passe de longs moments sur la terrasse d’un grand magasin, là où serait morte l’éléphante Indira. On dit que ce bel animal, mascotte d’un lancement promotionnel, devint un jour trop gros pour quitter les lieux.
Un matin, cet enfant solitaire découvre le corps d’un homme noyé dans le bleu d’une piscine. Et c’est en cherchant à savoir qui était ce malheureux que le gamin rencontre un gardien d’usine, un être obèse installé dans un autobus immobile et magique. Dès lors se dessinent entre eux une confiance quasi filiale, une relation toute familiale, un désir de legs, une envie d’héritage.
L’homme, passionné par les échecs, va faire du gamin son héritier de coeur, il va lui enseigner la stratégie du jeu, tout un art auquel le jeune garçon ajoute une spécificité : il joue tel un aveugle, sans voir son adversaire, sans voir les pions…
Retrouvant dans ce livre le motif du vieillard et de l’enfant, celui du lien issu d’une passion partagée, Yôko Ogawa poursuit l’exploration du sensible pour interroger, tel un écho silencieux, l’attachement à ceux qu’on aime, éternel.
"


3. Commentaire.

Ce roman est une pièce de marqueterie. Tout est agencé pour nous faire comprendre, comme une parabole que jouer aux échecs, c'est proposer une vision du monde et ne jamais mentir, tant la vérité de l'homme s'y exprime dans le maniement des pièces, les combinaisons qui conduisent à un belle partie, comme une création intellectuelle qui débouche sur la beauté esthétique évoquée par le placement des pièces sur l'échiquier. C'est ce dialogue sur l'échiquier que recherche le petit joueur d'échecs dont la petite taille lui permet, après bien des séparations, de se cacher dans l'automate et de manier avec dextérité le triple levier. 

L'auteur sait nous prendre par la main et nous rendre familier le "Petit Alekhine" du nom d'un grand champion français (né russe à Moscou le 31 octobre 1892, naturalisé français en 1927 et décédé le 24 mars 1946 à Estoril (Portugal)) qui donna son nom à une défense, qui dans le roman se fait remarquer par son degré de concentration exceptionnel, sa vision géométrique des 64 cases et sa modestie malgré tout. 

Il s'exprime par le jeu d'échecs qui est un langage universel pour qui en possède les rudiments et se fera connaître par partie mémorable connue, dans la presse, sous le nom : "le miracle du fou". Mais, la vie du jeune prodige ne serait rien sans ceux qui l'on accompagné dans son aventure. Nous n'oublierons par l'éléphante, Indira, Miira, son amie qui a transcrit toutes les parties de l'automate dans le silence du cercle du fond des mers, "la vieille demoiselle" et ces vieillards de la maison de retraite, dont l'homme au caddie, boite à souvenirs qu'il emportera dans sa tombe, située au sous-sol de la salle d'échecs de la maison de retraite, le pion et sa petite clochette.

Une lecture plaisante et envoûtante avec une scénario cinématographique. Un jour, ce joueur liliputien, aux lèvres soudées, prendra t-il forme à l'écran ? Une lecture d'été qui montre que les variations littéraires sur le thème des échecs sont nombreuses, comme le livre de Stefan Zweig "Le Joueur d'échecs" que je recommande de lire également. Un petit joueur qui signe un grand livre allégorique. 

Extrait .Page 236. 

" Le petit joueur d'échecs en dessous, la vielle demoiselle au-dessus, ils observaient le même échiquier. Cette table d'échecs qui de l'autobus à l'atelier du grand-père en passant par le club du fond des mers, avait ciselé d'innombrables trajectoires, et se trouvait là, tel qu'en lui-même, sans rien savoir. Dans les yeux du garçon remontaient l'un après l'autre les coups de toutes sortes de parties, mais l'échiquier se contentait de rester posé là, immobile, dans la tranquillité de la nuit. Devinant soudain au bruit de la bague qui le touchait que la vieille demoiselle avait posé la main au centre de l'échiquier, il appuya sa paume au même endroit. 

- L'échiquier est grand. Alors que sur une planche plate il n'y a que des traits horizontaux et verticaux, il dissimule l'univers où, quelque soit le véhicule que l'on emprunte, on n'arrive jamais. 

Le garçon les lèvres toujours fermées, baissa les yeux. 

- Oui, c'est pourquoi les joueurs d'échecs n'ont pas besoin de réfléchir à des choses superflues. Bâtir son propre style, exprimer sa vision de la vie, se vanter de ses propres capacités, se montrer sous son meilleur jour : tout cela est totalement inutile. Tout cela ne sert absolument à rien. L'univers est beaucoup plus vaste que soi-même. Si l'on se préoccupe de son petit soi insignifiant, on ne peut pas véritablement jouer aux échecs. Libéré de soi-même, en dépassant le sentiment de vouloir gagner, on voyage librement dans l'univers des échecs...Si l'on peut faire cela, c'est merveilleux, n'est-ce pas ?

Le petit joueur d'échecs sentit s'éloigner la main de la vieille demoiselle. Le silence se poursuivit un moment. Un profond silence dans lequel il ne s'entendaient même pas respirer."

Les règles du jeu d'échecs sont rappelées dans cette vidéo. 


DVD "Comment jouer aux échecs" par Medilla

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Philippe DELOIRE