jeudi 9 juillet 2009

Orléans. De la piétonnisation de la rue des Carmes et au-delà.

La rue des Carmes, à Orléans, accueillera la seconde ligne de tramway est/ouest. A cette occasion, l'équipe municipale, lors de la campagne électorale des Municipales, en 2007, a fait savoir, tardivement, (dans le tracé retenu, officiellement,après enquête publique, il n'était pas prévu de procéder à un alignement), qu'elle prévoyait d'adopter un arrêté d'alignement concernant un groupe d'immeubles, dans sa partie la plus étroite afin, après démolition, de le faire reculer de 4 mètres, de façon à disposer de deux voies du future tramway et une voie pour les voitures.

Je pense que ce projet est critiquable, en tant que tel, parce qu'une solution alternative existe qui consiste à piétonniser la rue des Carmes sans démolir ces immeubles et en procédant à l'embellissement de la rue.

Il faut bien reconnaître que le projet se heurte à de nombreuses difficultés. D'une part, il a été démontré que les immeubles en question sont anciens et à ce titre sont un témoignage du patrimoine historique de la ville. A cet égard, ce projet n'a pas reçu l'avis conforme de l'Architecte des Bâtiments de France et la tentative de la majorité au pouvoir, au nom d'un allègement des formalités administratives, de supprimer la nécessité de l'avis de l'ABF a été censurée par le Conseil Constitutionnel. D'autre part, il s'agit d'un projet coûteux, car il conviendra pour la ville de payer la démolition dedits immeubles et la reconstruction d'immeubles neufs, mais, également, aux recours contentieux qui ne manqueront pas de se produire suite à l'expropriation des propriétaires, dont le coût a été évalué à 26,5 millions d'€. Il faut aussi noter qu'un surcoût interviendra suite à la décision prise de recours à une alimentation du tramway par le sol et non par des caténaires, comme sur la quasi-totalité du parcours.

J'admets que les remarques que je formule sont factuelles et que l'on peut discuter, à l'envi leur bien-fondé, mais ce qui me paraît révélateur, c'est la volonté du Maire et de son équipe de faire cohabiter dans l'hypercentre tous les types d'usagers : l'usager du tramway, l'automobiliste, le cycliste, et le piéton.

je considère que dans cette rue des Carmes cette cohabitation pose un problème et que nous sommes en présence du noeud gordien de l'affaire. En effet, le tramway ne sera pas en site propre et sera donc ralenti sur son trajet surtout qu'en débouchant sur la place de Gaulle, le tramway est/ouest fera la jonction avec la première ligne de tramway. Sur cette place de Gaulle se prépare donc un gigantesque embouteillage. On en veut pour preuve qu'il est prévu la construction de plus de 200 places de parking rue du Cheval rouge auxquelles il faut ajouter les 300 places de parking sous le Siège social de Sphéria Val de France, à l'entrée du Faubourg-Madeleine, et les 400 places de parking à créer, une fois la trémie Jean-Jaurès démolie. Au total, près de 1000 places de parking seront à la disposition des automobilistes désireux d'accéder à l'hypercentre, au même moment où le tramway y circulera, pour la première fois. Cherchez l'erreur !

J'imagine le scénario suivant f: un véhicule emprunte la rue du Cheval Rouge pour rejoindre la rue des Minimes, par exemple. Que se passera-t-il ? Inévitablement, il se heurtera au feu tricolore qui permet de laisser passer la première ligne de tramway, mais aussi la seconde, soit en provenance de la rue Jeanne d'Arc, ou venant de la place de Gaulle pour emprunter la rue Jeanne d'Arc. Il faut ajouter les voitures qui, actuellement, se dirigent vers la rue du Tabour en provenance de la place de Gaulle ou tournant à droite en venant de la rue du Cheval Rouge.

A ce stade de ma démonstration, je n'ai pas parlé des cyclistes, qui, dès à présent, redoutent cette traversée de l'hypercentre, par peur d'accidents, et verront, avec la ligne de tramway supplémentaire, leur marge de manoeuvre encore réduite.

Quant aux piétons, il faudra bien regarder avant de franchir les passages cloutés en raisn du passage du tramway quasi-silencieux, des voitures et des cyclistes qui auront eu la malencontreuse idée de s'aventurer jusqu'à la place de Gaulle.

Il faut bien comprendre ceci. La construction d'une ligne de tramway en site propre n'a pas seulement pour objet de disposer d'un moyen de transport non polluant, reliant rapidement un point à un autre, mais aussi de réfléchir à la place de la voiture dans la ville en incitant les habitants à changer leurs habitudes de transports. Ainsi, la construction d'un tramway relève d'une démarche écologique qui profite aux habitants de la ville, favorise un autre type de circulation reposant sur l'intermodalité, remodèle la vie commerçante et la pratique des loisirs et concourt, à l'échelle locales, à préserver le sort de la planète.

Je pense qu'à l'avenir, plus que jamais, les Orléanais seront amenés à pratiquer l'intermodalité sur un trajet précis, consistant à effectuer une partie de celui-ci, en tramway, à pied, ou en vélo (vélo personnel ou vélo +, lorsqu'une borne existe à proximité d'un arrêt de tramway). Il est clair que par rapport à la situation consistant à prendre sa voiture pour se retrouver coincé dans les embouteillage en émettant des rejets de gaz à effet de serre, à chercher, vainement, une place de parking, à risquer une contravention pour stationnement gênant, et à prendre beaucoup de temps pour franchir quelques hectomètres, la solution écologique s'impose d'elle-même dans l'hypercentre d'Orléans.

Ce d'autant que ces propos ne sont pas révolutionnaires, car d'autres villes ont pris la décision de procéder à la piétonnisation de rues ou de quartier en centre-ville.

A terme, à terme, la piétonnisation de la rue des Carmes devrait conduire à rendre piétonne la place de Gaulle et la rue du Tabour pour rejoindre la rue de Bourgogne à l'angle de la rue Sainte-Catherine qui est piétonne au-delà de la préfecture. Cet axe constituerait une promenade en ligne droite qui buterait sur la fin de la rue des Carmes et la rue de la porte Madeleine livrée à la circulation automobile qui emprunterait la rue du Faubourg Saint-Jean pour contourner ce nouvel axe piétonnier. Qu'il ferait bon de s'y promener sur cette artère commerçante et atrayante, le printemps revenu !

Selon moi, ce qui se joue rue des Carmes, dans les mois à venir, ce n'est pas seulement le sort de cette rue-là, mais une conception de la place de la voiture en ville et le rôle des commerces dans les quartiers piétons, qui peuvent former un nouvel art de vivre la ville. Avec une réflexion approfondie, menée en étroite concertation avec les riverains, Orléans peut proposer à ses habitants un nouvel art de vivre la ville.

Pour cela, il faut se rappeler que, selon les propos de Pierre Mendès-France : "Gouverner, c'est prévoir". J'ajoute que gouverner, c'est aussi choisir...

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Philippe DELOIRE