Ce lundi 11 janvier 2010, comme j'écoutais le journal de 8 heures, sur France-Bleu Orléans, bercé par la douce voix de Carole Miko, mon attention fut attirée par l'information selon laquelle un arrêté du Préfet du Loiret avait été annulé par le tribunal administratif d'Orléans, en ce qu'il classait, à tort, dans la catégorie des espèces nuisibles : la martre, le putois, l'étourneau, et la fouine.
Voir cette édition du journal de France-Bleu Orléans (se reporter entre la 6ème minute et aller jusqu'à 7 minutes et 40 secondes). Récupérer l'émission à la rubrique "Archives journaux".
http://sites.radiofrance.fr/chaines/france-bleu/?nr=1d4e1cfd38efdc136c96a9f2a851e106&c098ceb6c54b22b9023dfb6a4d2442d4_info_mode=item&c098ceb6c54b22b9023dfb6a4d2442d4_info_index=0
Je décidais d'en savoir plus. L'enquête commençait.
En réécoutant le journal sur le site de France-Bleu Orléans, j'identifiai la partie requérante comme étant l'ASPAS (ASsociation pour la Protection de la nature et des Animaux Sauvages) Nature. En la googolisant, je parviens sur son site : http://www.aspas-nature.org/
J'appris que l'ASPAS était "une association sans but lucratif. C’est une organisation non gouvernementale (ONG) qui a fait le choix de ne percevoir aucune subvention publique pour préserver son autonomie et sa liberté d’action. C’est uniquement grâce au soutien d’adhérents et de donateurs qu’elle agit au profit de la nature." Elle "oeuvre pour la protection de la faune sauvage, pour la préservation du patrimoine naturel et pour la défense des droits des usagers de la nature. Elle mène des campagnes d’information pour mobiliser l’opinion publique et interpeller les élus. Elle réalise des expositions, des diaporamas et édite des guides et brochures pour sensibiliser le grand public à la nécessité de protéger les milieux et les espèces.
A partir, de ce site, je trouvais le texte du jugement du Tribunal Administratif d'Orléans dont on parlait. Il s'agit du jugement n°0903198 rendu en audience, le 10 décembre 2009, et dont lecture a été donnée, le 29 décembre 2009. Voir le texte intégral du jugement à l'adresse :
http://www.aspas-nature.org/images/stories/coin_du_juriste/jpadministrative/1033.pdf
Que disait ce jugement ?
Les faits étaient les suivants : Le Préfet du Loiret avait pris deux arrêtés. Le premier classait comme nuisible les renards, les fouines, les martres, les putois, les corbeaux freux et les corneilles noires pour la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2010. Un second arrêté prorogeait la période à tir des oiseaux, jusqu'au 31 mars 2010.
L'A.S.P.A.S demandait l'annulation de ces deux arrêtés.
Le juge administratif examinant la légalité interne du premier arrêté considère "qu'il ressort du dossier que la fouine, la martre, l'étourneau sansonnet et dans une moindre mesure, le putois, sont répandus significativement dans le département du Loiret; que toutefois le montant des dégâts occasionnés ensemble par la fouine, la martre, le putois, mais aussi la belette, pour la période du 1er juillet 2008 au 29 février 2009, s'élève à 23 897,22 euros, soit une moyenne de l'ordre de 6000 euros par espèce, significativement inférieur au montant des dégâts causés pour la même période par la seule espèce renard ou par la seule espèce pigeon ramier; qu'au surplus, ce montant globalisé ne permet pas d'apprécier l'importance des dégâts causés par chacune des espèces en cause : que s'agissant de l'étourneau sansonnet, le montant des dégâts ne s'élève qu'à 975 euros; que par la suite, le préfet n'a pas fait une exacte appréciation de la situation locale tout en classant la fouine, la martre, le putois, et l'étourneau sansonnet comme animaux nuisibles : "
Par contre à l'égard des autres animaux ou oiseaux, les dégâts qu'ils provoquent sont jugés suffisamment importants pour qu'il soient classés comme nuisibles. Tel est le cas du renard, à l'origine de 32 513,63 euros de dégâts, du pigeon ramier, pour un montant de 15 705,32€. Quand au corbeau freux, à la corneille noire, et à la pie bavarde, elle se partagent un montant de dégâts qui s'élève à 74 607,90 euros. Et le Tribunal administratif se range à l'avis du Préfet du Loiret que les tuer est la seule solution, puisque l'utilisation de moyens alternatifs (pièges, épouvantails...) s'avèrent inefficaces.
En ce qui concerne le second arrêté, il suit le sort du premier en ce qui concerne l'étourneau sansonnet. En effet, dès lors qu'il n'est plus classé comme nuisible, il apparaît que la période de tir ne saurait être prolongé jusqu'au 31 mars 2010.
Selon le juge, tel n'est pas le cas du corbeau freu, de la corneille noire, de la pie bavarde et du pigeon ramier qui parce qu'elles causent des dégâts élevés, il apparaît nécessaire de prolonger la période de tir jusqu'au 30 juin 2010, car cette période supplémentaire où ces espèces peuvent être abattues, "relève de la nécessité de protéger les semis des cultures dans un département où les productions végétales représentent 85% de l'ensemble de la production agricole."
Suite à ce jugement, l'Etat est condamné à verser 1000€ à l'APSAS, sans compter les dépens.
Que faut-il penser de ce jugement du Tribunal administratif d'Orléans ? Trois remarques à cet égard :
1) Dans ce genre d'affaire, le juge administratif est confronté à la question de la preuve des dégâts causés aux récoltes ou à d'autres espèces, par l'espèce animale considérée. La preuve prend la forme de factures à fournir après avoir calculé le montant des dégâts ou en recourant aux services d'un expert. Les chasseurs pensent, quant à eux, que c'est parce qu'ils n'ont pas pu rapporter la preuve de l'importance des dégâts causés que ces 4 espèces ne figurent pas dans la liste des nuisibles. Info ou intox ?
2) Un autre débat concerne les moyens alternatifs au fait de tuer les animaux déclarés nuisibles. Sont-ils efficaces ? Comment en rapporter la preuve ?
3) Cette question consistant à concilier les droits des chasseurs avec la protection de l'environnement a trouvé une réponse européenne à travers deux directives très connues : la directive n°79/409 CEE du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages et la directive n°92/43 CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que la faune et la flore sauvage. Or cette réglementation européenne est majoritairement mise en oeuvre par le juge français, mais dont la jurisprudence est très évolutive et qui varie selon les régions considérées.
On pourra se reporter à l 'article, dont je suis l'auteur, paru dans le numéro du 15 octobre 2009, dans le Journal des Maires intitulé : à la rubrique Affaires rurales, "Réglementation de la chasse aux oiseaux. " (sur demande).
En conclusion, comme l'indiquait le Président de l'ASPAS, en obtenant que certaines espaces soient déclarées nuisibles, les chasseurs font d'une pierre deux coups. Ils chassent les espèces recensées durant un certain temps et quand cette période est achevée, ils peuvent continuer à chasser les nuisibles...
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Philippe DELOIRE